24 juin 2016

Les petits textes de la SPM #1

Bonjour à tous!
Oui, un article le vendredi, ce n'est pas plus très courant. D'autant plus qu'aujourd'hui je vous présente un nouveau type d'articles... Je vous préviens, ça va être long.

Il y a un peu plus de deux mois, le blog Aldiaphora proposait un concours pour fêter sa première année d'existence. Et, à côté des traditionnels "+1 chance si vous suivez sur la newsletter" etc, il y a avait d'autres conditions: faire un texte à partir de mots soigneusement choisis par eux ou un dessin avec des éléments également choisis.
Je ne suis pas douée en dessin, et comme une de mes bonnes résolutions pour 2016 était d'écrire d'avantage, j'ai pris le texte.
J'y ai réfléchi, je l'écris, puis envoyé.
Et puis, au fil des jours, j'ai eu à nouveau envie d'y travailler, de faire quelques petits changements, d'écrire la suite. Alors j'ai supprimé des passages, fais quelques recherches, écris d'autres lignes, pour finalement arriver à un résultat qui me satisfaisait, ou presque.

Bien évidemment, dès le début, je voulais publier ce texte; mais ces modifications ont été un peu longues (par exemple, je n'ai pas touché au texte pendant les vacances de printemps), et je l'ai envoyé à quelques personnes, pour qu'elles me donnent leur avis.
La principale chose qui a fait que j'ai tardé à partager ce texte, c'est que j'ai envie d'aller plus loin, d'écrire une nouvelle par exemple, qui aurait ce texte en prologue. Je vous l'aurais ainsi partagée par chapitres.
Mais, au bout d'un mois de réflexions à propos de cette suite, elle n'est toujours pas écrite. Alors, sans abandonner l'idée précédente, un autre projet me vint en tête: puisque ce texte était parti de mots imposés, puisque j'avais abandonné, faute de réussite, la SPM, puisque j'avais envie d'écrire... pourquoi ne pas créer un nouveau type d'articles?

C'est comme ça qu'est né le projet Les petits textes de la SPM. J'ai écrit tous les mots de la SPM sur des petits bouts de papiers (c'était aussi long que vous le pensez) que j'ai répartis dans deux vieux pots à confitures, étiquetés "Futurs textes".

Un vendredi par mois, je publierai donc un nouveau texte, écrit à partir de cinq mots piochés lors de l'article précédent (vous me suivez ?) . Pourquoi cinq ? Et bien, parce que c'était le nombre de mots présentés dans Les petits protégés de la SPM.

Je vais vous montrer, vous allez comprendre.


Pour le texte du concours, il fallait utiliser:
  • palimpseste :Le palimpseste est un manuscrit écrit sur un parchemin préalablement utilisé, et dont on a fait disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau. ...
  • plume
  • potiron
  • asymptote :Ligne droite qui s'approche indéfiniment d'une courbe sans jamais la couper, même si on les suppose l'une et l'autre prolongées à l'infini
  • sopalin
Voici mon texte, nommé par défaut "Le parchemin" (je ne suis pas entièrement satisfaite de ce titre).
L'atelier était dans la pénombre. La seule lueur provenait d'une bougie scellée à une coupelle de cuivre par la cire fondue. Le bougeoir était en équilibre sur une pile de feuilles recouvertes de glyphes minuscules, écriture cunéiforme ou hiéroglyphique. La lueur tremblotante éclairait un vieil homme, la nuque et le dos courbé sur ce qui ressemblait à un parchemin. L'homme balaya de la main sur bureau encombré, faisant ainsi voler des documents qui retombèrent doucement par terre. Il se leva et sortit d'une vieille armoire cinq bacs en métal de différentes tailles qu'il posa sur son bureau maintenant dégagé. Il retourna ensuite à l'armoire pour en tirer trois flacons et deux bouteilles. Sur les flacons, on pouvait lire "eau distillée", "solution d'acide oxalique au centième" ou encore "solution d'acide gallique". Il versa chacun des contenus des flasques dans un bac différent, et s'empara d'une plume usée, jadis d'un vert éclatant et d'un or brillant, et la trempa dans un encrier. Il écrivit quelques mots sur feuille de papier grâce à cet instrument puis le posa sur le côté et se leva.
Le vieil homme dévissa les bouteilles et prit précautionneusement le parchemin. Il le trempa une minute dans un premier bac, le plongea cinq secondes dans un deuxième puis le posa dans un troisième bac, plus grand que les précédents mais vide de liquide. L'homme versa ensuite le contenu d'une bouteille -de l'eau- sur le parchemin, en le remuant un peu, et répéta l'opération dans un second bac vide. Il prit ensuite le vélin et l'inséra dans une sorte de grand vase noire qu'il referma. L'homme patienta dix minutes, sortit le parchemin et le lava à nouveau à grande eau. Enfin, il installa la parchemin dans une presse moyenâgeuse et recueilli l'eau qui en sortit.
Le parchemin était en réalité un palimpseste, et l'homme cherchait à découvrir les inscriptions premières par le processus complexe qu'il venait de faire. L'homme saisit le palimpseste et le déposa sur une plaque de verre située dans le coin gauche de son bureau. Il ramassa les bacs et les solutions et les plaça sur une desserte établie à côté de son coin de travail. Il se saisit à nouveau de sa plume et se mit à griffonner frénétiquement sur sa feuille. Le rythme de son écriture diminuant progressivement, il finit par poser la plume.

Alors le vieil homme se leva de sa chaise et boita jusqu'à un lavabo, situé dans l'extrémité opposé de la pièce. Avec lenteur, il se passa de l'eau sur le visage et regarda longuement les photos accrochées au mur. Elles représentaient quatre jeunes hommes, tantôt debout tantôt assis. Ils posaient devant la grande pyramide, le Machu Pichu ou la Grande Muraille de Chine. Ils avaient des rêves pleins la tête ; ils se prenaient pour des aventuriers. Le vieil homme redressa un peu les cadres, caressa son chat qui dormait à côté et retourna à son bureau.
Il observa ce qu'il avait écrit ou plutôt, ce qu'il avait dessiné. Il y avait là un potiron entouré de ronces, comme pour le protéger. Les ronces entremêlées formaient un cercle parfait, un cercle inscrit dans un triangle formé de trois asymptotes. Un trait avait légèrement bavé ; l'homme chercha un buvard sur son bureau et, n'en trouvant pas, il se résolut à utiliser un morceau de sopalin. Il essuya délicatement le trait, prit de nouveau le parchemin et l'approcha de la bougie, afin de s'assurer qu'il avait correctement recopié les vieilles inscriptions.
Après cette vérification, le vieil homme plaça le parchemin sur un tissu de lin qu'il replia afin d'entourer le précieux document. Il ouvrit ensuite un coffre de bois entièrement peint en noir, et y plaça le paquet de tissu et referma rapidement la boite. Enfin, il plaça l'ensemble dans une deuxième armoire à droite de la précédente. Alors il s’assit lourdement dans un fauteuil et réfléchit.

Il repensa aux jeunes hommes des photos, c'est-à-dire à sa jeunesse et à ses amis. Ils s'étaient connus à l'internat, en Provence. Ils avaient passé leur adolescence ensemble, avaient partagé d'incroyables aventures. Ils avaient chacun choisi une voie qui avait étonné les autres: libraire, styliste, agriculteur et archéologue spécialisé en paléographie et codicologie. Grâce à l'archéologue, ils avaient voyagé aux quatre coins du monde et redécouvert de nombreux monuments antiques. Les années passant, ils se voyaient un peu moins, chacun étant pris par son travail et sa famille. Mais chaque année, ils se retrouvaient pour dix jours de voyages, juste eux quatre, comme au bon vieux temps. Même quand ils eurent soixante, soixante-dix et quatre-vingts ans, ils continuèrent à voyager, toujours un peu moins loin, toujours un peu plus confortablement.
L'agriculteur était mort le premier, d'un cancer provoqué par les pesticides. Puis le libraire et le plombier avaient cédé aux années. L'archéologue était alors resté seul, travaillant toujours, acquérant toujours plus de connaissances dans sa mémoire infinie. Grâce aux structures spécialisées, il avait acquis tous les savoirs de tous les métiers, en commençant bien sûr par ceux de ses amis. Il tenait une librairie à Paris, dirigeait une ferme dans le Wyoming, dessinait des vêtements pour des enseignes internationales et était le maître d'une foule de petites entreprises différentes les unes des autres. Il possédait tous les savoirs de toutes les nations; il était juif, bouddhiste et hindou; il était vieux, il était jeune: il était immortel.

C'est un texte assez long, je vous l'accorde. N'hésitez pas à me dire dans les commentaires ce que vous en avez pensé; toute critique est bonne à prendre :)

Je viens donc de piocher cinq mots dans les bocaux. Ces cinq mots sont:
-coitement (adv): de façon tranquille, silencieuse
-azurin (adj): d'un bleu pâle, tirant sur le gris
-taciturne (adj): qui est silencieux, laconique
-barguigner: hésiter
-lénifiant (adj): apaisant

Devant le lien évident de ces mots, je rappelle (précise ?) que je les ai piochés totalement au hasard :). Je dois donc écrire un texte à partir de ces mots, et le poster un vendredi de juillet.Comme je pars en vacances au cours du mois de juillet, je m'autorise à ne le publier que le premier vendredi d'août.
Bien entendu, vous pouvez aussi participer et, si vous le souhaitez, m'envoyer vos textes :) Il n'y a pas de limites de mots/caractères.

Voilà, c'est la fin de ce loooong article. J'espère que le principe vous aura plus et qu'il perdurera :)
A bientôt!

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